Une réflexion sur “Anecdotes

  1. Histoire d’un multi miraculé : Poucet

    Depuis 20 ans, je vis des histoires quelquefois incroyables, dans mes activités de bénévole au service des animaux. Histoires de chats et chiens pour la plupart du temps. Cette fois-ci, c’est un pigeon qui allait m’offrir de terribles émotions :

    Mai 1999 : de passage à la SPA locale, où je n’étais pas venue depuis des semaines, mon attention est aussitôt attirée par un pigeon adolescent, squelettique, en proie aux derniers soubresauts de la mort. On m’explique qu’il a été ramassé dans la rue, et apparemment on ne réalise pas dans quel état il se trouve ! Je le prends et l’emporte en urgence chez moi pour tenter de le sauver. Il n’a que le poids de ses os et plumes, est plein de cambouï, la queue hachée et il émane de lui une odeur repoussante. Je lui glisse dans le bec des grains de maïs arrosés d’une seringue d’eau : il me pince alors les doigts en piaillant d’une manière tellement exagérée que j’en déduis qu’il était tout simplement en train de mourir de faim au sens propre !

    J’essaye de le faire voler : il tombe au sol comme une pierre et reste immobile : mais bien sûr il est mal voyant ou aveugle ! (avec des yeux parfaitement normaux). Pauvre petit : il était à l’âge où les parents cessent de nourrir leur progéniture. Il n’avait aucune chance de survivre et attendait la mort sur un trottoir, puis à la SPA …

    Je le rassasie, lui fait prendre un bain tiède, le dégraisse comme on fait pour les oiseaux mazoutés. Il est horrible, ne ressemble à rien, même une fois sec. Les jours passent, je le gave, il prend du poids et commence à lisser ses plumes mais reste inactif. Je me lamente sur son handicap. Peut-être fera-t-il comme Biquet qui, lui aussi, a passé une quinzaine de jours sans bouger, puis en utilisant le peu de vue qu’il lui restait, a peu à peu investi la maison en faisant des progrès stupéfiants, allant jusqu’à poursuivre mes chats pour les pincer !

    Et de fait, le pigeon – à qui je n’ai pas encore donné de nom- commence à faire quelques pas et à apprécier de prendre le soleil sur le balcon. Un dimanche après-midi, nous partons promener notre fille à la campagne. Biquet et le nouveau sont sur le balcon. Par précaution, je tends un drap au cas où le nouveau ferait des essais de vol et passerait par-dessus bord (ça lui était arrivé la semaine d’avant. Heureusement, Scarlett, une chatte libre tueuse invétérée d’oiseaux, dormait à poings fermés à quelques mètres de l’endroit où il était tombé. Lui attendait sans bouger, et pour cause, il ne voyait rien !).

    18 heures : nous revenons. Je vais sur le balcon : plus de pigeon. Il a dû voleter et passer dans l’interstice entre le drap et le plafond du balcon ! Je descends en courant dans le jardin de la copropriété, où je trouve quelques plumes. Je panique, ma fille m’aide à fouiller cm par cm, car il faisait du vent et il aurait pû être emporté loin. C’est alors qu’un voisin se penche à son balcon et me dit « vous cherchez votre pigeon ? je l’ai vu tomber. La chatte lui a sauté dessus. J’ai tapé dans mes mains mais elle ne l’a pas lâché et l’a emmené sous le bosquet, là » (où effectivement j’avais trouvé des plumes. Mon Dieu c’est fini ! je suis atterrée et me ressaisis : mais où est le corps ? Scarlett n’a pas pu le consommer en totalité ! Nous fouillons tout à nouveau, aucune trace de sang ni de plumes. C’est incompréhensible ! Pauvre petit, finir ainsi, et par ma faute car j’aurais pu le tenir enfermé, je m’en veux à mort !

    Les jours passent. Nous sommes vendredi. je pense toujours à cette disparition mystérieuse et me lamente. Il est 17 heures. Revenant de chercher ma fille à l’école, je prends Biquet et le sors sur le balcon. Il roucoule tant et plus. Soudain je vois une masse tomber sur la branche du pin située à 3 mètres de la façade. Stupéfaite, je reconnais mon pigeon, hébêté. Il s’accroche péniblement à une branche de pin, et se lance dans le vide pour tenter de rejoindre à l’aveuglette son ami qu’il entend roucouler. Hélas, il ne parvient pas à franchir la distance, tombe et se rattrape à un brin de bougainvillée qui dépasse du balcon du dessous ! Scarlett qui ne quitte jamais les environs, a tout vu et se précipite pour prendre sa revanche.
    Le voisin du dessous est absent, et le pigeon, agrippé à cette branche fine et souple, est en équilibre instable et menace de tomber d’une seconde à l’autre. J’ai alors l’idée de prendre un panier à anse, y passe le balai, me penche dans le vide, et oblige le rescapé à s’y laisser tomber, ce qu’il fait sans résistance.

    Je tremble de tout mon corps en le remontant. Mon pauvre petit, tu dois mourir de soif et de faim (nous étions en juin et c’était déjà la canicule), je le restaure, et savoure le bonheur de le revoir en vie. Son nom me vient à l’esprit immédiatement : il s’appellera Poucet car il a su retrouver son chemin, vaillant petit pigeon !

    Le mystère reste entier pour moi. Il est tombé à pic, mais d’où ? certainement, sous la peur lors de l’attaque, a-t-il trouvé la force de s’envoler à la verticale. S’est-il retrouvé sur un rebord de fenêtre ? ou dans une branche plus haute du pin, car j’avais tout scruté sans jamais avoir vu sa silhouette ? Mourant de faim et de soif (5 jours de jeûne total), il a joué son va-tout en se lançant dans le vide. Sa survie, donc, il la doit à une série incroyable de coups de chance :
    – ramassé dans la rue par une dame,
    – pris en charge par moi qui passais à la SPA au moment où il était prêt à décéder
    – tombé une première fois du balcon, il échappe à Scarlett qui dormait
    – échappé des griffes de Scarlett , pourtant chasseuse hors-pair
    – survécu à 5 jours de jeûne par la canicule
    – choisi le bon moment pour se jeter dans le vide,
    – une branche de bougainvillée l’empêche de retomber dans les griffes de Scarlett

    Poucet est la preuve vivante que la bonne étoile, ça existe vraiment !

    Cette histoire a été écrite en 2000. Poucet est décédé d’une tumeur abdominale en novembre 2014, à l’âge de 15 ans. Il me manque terriblement et je l’ai pleuré comme on pleure un membre de sa famille. Il a égayé la maison par sa joie de vivre, ses tours pendables, sa manière de courser les chats et d’avoir toujours le dessus sur eux. Il me manque terriblement, il me reste encore Biquet qui est entré dans sa 20ème année.

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